Vin naturel et vin végane : la frontière est-elle si nette ?

31 mars 2025

Laissez-moi vous emmener dans les vignes pour une petite leçon express. Le vin naturel, c’est quoi au juste ? Il s’agit d’un vin élaboré avec un minimum d’intervention humaine (et chimique !). Cela commence dans les vignes : ici, on bannit les pesticides et les engrais de synthèse pour privilégier des pratiques biologiques ou biodynamiques. Mais ce qui distingue vraiment le vin naturel, c’est ce qui se passe ensuite, en cave.

Lors de la vinification, les vignerons qui s’inscrivent dans cette mouvance évitent les intrants œnologiques (ces produits qu’on ajoute souvent pour "corriger" le vin : levures industrielles, enzymes, sulfites en excès, etc.). En bref, le vin naturel est censé refléter un terroir et une récolte, sans artifice. Mais attention, ici vient déjà le grand paradoxe que l’on va explorer : naturel ne veut pas dire automatiquement végane !

Un vin végane, c’est un vin produit sans utiliser de matières d’origine animale, que ce soit pendant la viticulture ou la vinification. Dit comme ça, ça semble simple. Mais en réalité, plusieurs étapes de fabrication d’un vin traditionnel (voire naturel) peuvent impliquer l’usage de produits issus des animaux.

L’étape clé : le collage

La principale incidence se situe au niveau de ce qu’on appelle le collage (ou clarification, pour simplifier). C’est une pratique qui permet de rendre le vin plus clair en éliminant les particules en suspension. Historiquement, on utilisait des éléments d’origine animale pour cela :

  • Blanc d’œuf : une méthode très répandue, surtout dans les vins rouges.
  • Colle de poisson ou isinglass : extraite de vessies natatoires de poissons, utilisée pour clarifier principalement les vins blancs.
  • Gélatine animale : obtenue à partir de peaux ou d’os.

Tous ces produits d’origine animale sont ensuite éliminés lors du processus final, mais cette étape exclut évidemment ces vins de l’appellation "végane". Aujourd’hui, pour les vins végans, les vignerons privilégient des alternatives comme la bentonite (une argile naturelle), ou encore des protéines d’origine végétale (pois ou blé, par exemple).

Le problème, c’est que "naturel" n’est pas une notion strictement encadrée sur le plan juridique. Contrairement à une certification comme "biologique" ou "déméter" en biodynamie, le vin naturel relève d’une philosophie, pas d’un cahier des charges strict. Cela signifie qu’un vigneron qui travaille en "naturel" peut très bien utiliser des pratiques ou produits incompatibles avec le véganisme.

Pour faire simple :

  • Un vigneron naturel peut utiliser du blanc d’œuf ou de la colle de poisson pour clarifier son vin, sans que cela remette en cause son étiquette de vin naturel.
  • Un vin peut être naturel sans être vegano-compatible si rien n’interdit, par exemple, d’élever ses vignes avec des engrais animaux (fumier, corne de vache dans la biodynamie…).

Résultat : un vin naturel n’est pas automatiquement végane. C’est là que réside la confusion pour beaucoup de consommateurs bien intentionnés.

Pour s’assurer qu’un vin est réellement végane, il existe des certifications spécifiques comme le label "EVE Vegan" en France ou "Vegan Society" à l’international. Ces labels garantissent que l’ensemble des processus, de la vigne à la bouteille, respecte les principes du véganisme. Mais attention, toutes les exploitations qui produisent pourtant des vins végans ne prennent pas forcément la peine (ou le budget) d’aller chercher ces labels.

Un conseil en or : si vous voulez être sûr·e qu’un vin est végane, le mieux reste de poser directement la question au vigneron ou au caviste ! En tant que sommelière, je vois bien à quel point le dialogue est crucial, surtout quand on parle d’éthique.

Vous pourriez penser que la question végane est anecdotique dans le monde du vin. Mais derrière cette démarche se cache un vrai enjeu écologique et éthique. Voici quelques raisons pour lesquelles le vin végane mérite d’être pris au sérieux :

  • Réduire notre empreinte environnementale, en évitant les produits issus de l’élevage intensif.
  • Soutenir des pratiques respectueuses de la vie animale.
  • Offrir une alternative éthique à une industrie qui, historiquement, a rarement interrogé ses pratiques sur ce sujet.

Bonne nouvelle : de plus en plus de vignerons combinent ces deux démarches. Pour repérer ces petites pépites, voici mes astuces :

  1. Recherchez les mentions explicites sur l’étiquette ou les fiches produit. Certains vins affichent fièrement leur label végane, en parallèle de leurs pratiques naturelles.
  2. Rendez-vous dans des salons de vins naturels ou biologiques. Ces événements attirent souvent des vignerons qui partagent des valeurs proches du véganisme.
  3. Demandez conseil à des cavistes engagés ou consultants spécialisés en vins éthiques. Tip : votre sommelière préférée, moi, peut vous donner une liste de ses coups de cœur !

Alors, finalement, doit-on exiger que tous les vins naturels deviennent végans ? Cela dépend des priorités de chacun. Mais une chose est certaine : la demande croissante des consommateurs pousse l’industrie à évoluer. Plus on parle de ces questions, plus on aide les vignerons à adopter des pratiques respectant à la fois le vivant, la planète et nos principes éthiques !

De mon côté, je remarque que de plus en plus de vignerons s’intéressent au véganisme, y compris parmi des producteurs emblématiques de vins naturels. Et ça, c’est une petite révolution.